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Roman en deux temps pour un hommage à l'Histoire de la Russie
"1937. Le régime soviétique pille, vend et détruit les trésors de l'Eglise russe. Il ferme plus de mille monastères. Des centaines de milliers de prêtres et de moines sont exécutés. Les plus chanceux s'échappent, vivant cachés dans les forêts. Voici l'histoire de Nikodime, qui, avec l'aide d'une poignée de moines-vagabonds, tente de sauver les plus beaux trésors de l'art sacré orthodoxe. Où l'on rencontrera un ancien trapéziste, un novice de vingt ans et quelques autres fous de Dieu. De l'avant-guerre à nos jours, de la Russie bolchévique à la Moscou des milliardaires et des galeries d'art, l'étourdissante histoire de quelques hommes de courage. Et puis, bien sûr, il y a Irina. Elle fuit l'Enfer, traverse l'Europe, arrive à Paris, change d'identité... Elle est au cœur de cette lumineuse histoire de résistance et de rédemption."
Le titre énigmatique trouve vite son explication dans la première partie de ce livre. Dans celle-ci on découvre une communauté fervente, menée par un fou de Dieu tourmenté mais grandiose qui sauve des trésors de l'art sacré orthodoxe. Ces moines portés par la foi ont tous des passés lourds mais ils rivalisent de courage et d'acrobaties périlleuses. Dans sa quête de rédemption, la communauté est émouvante.
La seconde partie illustre la puissance des souvenirs, quand la mémoire des actes courageux de ces moines se trouve mêlée au destin actuel d'un personnage en quête d'identité: Mathias, photographe parisien perdu dans les mondanités. A la mort de son père il se découvre des racines russes, et un lien avec le fameux Nikodime.. Suivant le fil des indices, on remonte alors jusqu'aux dernières traces de la compagne du moine, et avec eux, des trésors sauvés. De rédemptions en découvertes, de liens père-fils en histoire nationale, les nœuds se dénouent, non sans graves conséquences parfois.
Ces deux parties équilibrent un roman qui aurait été trop grave pour moi sans son deuxième volet plus lumineux. J'aurais aimé suivre davantage les personnages de cette seconde partie d'ailleurs; Mathias et Polia qui l'accompagne dans cette quête difficile, entre tensions politiques et souvenirs tragiques.
J'ai aimé plonger dans l'Histoire restaurée, et découvrir cet épisode peu connu quand le régime soviétique pilla les trésors de l'église russe. Cette saga majestueuse et tragique est teintée de l'or des icônes et du sang des résistants au régime. Assez bouleversant, même si le personnage trouble de Nikodime donne parfois des frissons dans le dos et que j'aurais aimé bien plus de développements dans la seconde partie qui semble parfois ébauchée. Dommage.
L'interview de la librairie Dialogues:
C'est un roman lu en tant que juré pour le prix du meilleur roman des lecteurs de Points 2015.
Quand le rideau est fermé, les livres dansent et bagarrent dans un conte hommage au monde des librairies.
"Un samedi soir, une librairie de quartier. Comme toutes les nuits, sitôt le rideau tombé, les livres s’éveillent et se racontent leurs histoires… Mais ce soir, l’heure est grave : les nouveautés viennent d’arriver, et les romans du fond de la librairie n’ont plus que quelques jours pour trouver un lecteur ! Pour sortir par la grande porte, il leur faudra s’unir et prendre la place des best-sellers solidement empilés près de la caisse. Autant dire qu’ils n’ont pratiquement aucune chance…"
Quelle jolie idée que ce conte moderne sur le monde du livre, et sur les intrigues d'alcôves des étagères d'une librairie où la bataille fait rage pour échapper au pilon! Pour tous les curieux qui souhaiter assister au ballet des livres, comme les jouets s'animent dans "Toy Story", et savoir ce qu'ils pensent, ce qu'ils ressentent, comment ils vivent les valses hésitantes des mains des potentiels acheteurs-lecteurs, quel regard ils portent à cette liseuse numérique, quelles alliances ils tissent entre premiers romans et best-sellers, classiques et nouvelles. Le tout tissé d'humour fin. Entre les différentes phases du complot héroïque des romans du fond de la libraire, le lecteur découvre en alternance les vies du libraire passionné-mais-un-peu-dépassé, de sa jeune libraire pleine-d'idées-pour-perdurer-dans-ce-secteur-en-mutation, des auteurs en dédicaces qui se découvrent et plus parce qu'affinités....C'est un kaléidoscope des acteurs de la chaîne du livre, au plus près de leurs ressentis, leurs espoirs et leurs déceptions dans un marché délicat, difficile mais toujours passionnant. L'intrigue prend place au moment de la rentrée littéraire, et c'est un délice que de vivre cette effervescence de l'intérieur, elle qui peut être sublime mais aussi cruelle.
Plein de poésie, de références et d'amour pour les textes et ceux qui les font vivre, ce roman est presque un reportage engagé en faveur de la littérature. Je regrette certaines longueurs dans la bataille de papier dans la libraire, alors que j'aurais aimé davantage suivre les personnages de chair et d'émotions, notamment ces auteurs aux gloires diverses, aux egos en tension quand les lecteurs défilent devant leurs pupitres en salons.. Mais si Bertrand Guillot voulait rallier à sa cause les amoureux du livre pour raviver la flamme, c'est un pari gagné: j'ai envie de l'offrir à mes libraires, je leur en ai d'ailleurs déjà parlé, et ils avaient les yeux pétillants! ;)
Les amoureux des livres se délecteront de cette immersion au cœur des pages !
C'est une lecture des #MRL14 , les matchs de la rentrée littéraire 2014 ou prix littéraire des blogueurs , organisés par Price-Minister-Rakuten (sélection de Stephie):
C'est aussi une lecture qui rentre dans le challenge du 3% de la rentrée littéraire !
14/18 livres parus entre mi-août et mi-octobre 2014
Plume acérée et authentique pour une histoire piquante et parfois douce des solitudes
Il est de ces romans tellement médiatisés qu'on souhaite les mettre de côté "pour plus tard". J'avais donc noté, trouvé et soigneusement isolé sur un coin de ma bibliothèque "L'élégance du hérisson", sentant qu'il me fallait le lire loin de l'effervescence médiatique de sa sortie portée en triomphe. (combien de rééditions déjà? 30?) Quelques années plus tard, je suis bien heureuse d'avoir pris le temps d'aborder ce roman.
«Je m'appelle Renée, j'ai cinquante-quatre ans et je suis la concierge du 7 rue de Grenelle, un immeuble bourgeois. Je suis veuve, petite, laide, grassouillette, j'ai des oignons aux pieds et, à en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth. Mais surtout, je suis si conforme à l'image que l'on se fait des concierges qu'il ne viendrait à l'idée de personne que je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants. Je m'appelle Paloma, j'ai douze ans, j'habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches. Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c'est le bocal à poissons, la vacuité et l'ineptie de l'existence adulte. Comment est-ce que je le sais ? Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. C'est pour ça que j'ai pris ma décision : à la fin de cette année scolaire, le jour de mes treize ans, je me suiciderai.»
Dans cet immeuble rue de Grenelle, le quotidien est raconté à travers les yeux et les écrits de ces deux figures complémentaires. La première s'évertue à masquer son esprit flamboyant derrière une apparence terne et stéréotypée, la seconde à peine adolescente semble déjà avoir fait le tour de ce que peut offrir la vie et chronique ses ultimes pensées. Quand débarque un nouvel habitant, le fascinant M.Ozu, leurs plans respectifs vont être bouleversés.
L'écriture de Muriel Barbery est intelligente (très), sensible et parfois élitiste (trop?). Lutte des pauvres et des riches, de l'intelligence du cœur et de l'esprit, philosophes contre poubelles à descendre, les chocs sont nombreux dans cet immeuble. Mais cette même écriture est également juste et absolument poétique par moments. Comme dans ces incursions japonaises qui apportent la légèreté que l'histoire n'a pas. Drôle, intuitive et fine pour décrire la psychologie des gens, mais jamais mièvre. Parce que si cette chronique a des accents émouvants-qui-rapprochent-les-gens à la Anna Gavalda, elle ne laisse pas de place au happy-end ni aux bons sentiments aveugles. Quelle fin, quelle chute tragiquement réaliste, comme celle d'un hérisson qui aurait voulu traverser la route pour modifier sa destinée...
J'ai donc été séduite (par la beauté de l'histoire), attachée (aux deux héroïnes farouches et fragiles à la fois), abasourdie (par certains passages trop doctes pour moi mais surtout par cette fin tristement réaliste), bref, je ne regrette en aucune façon cette lecture qui ne laisse pas indifférent. Une petite leçon de vie, une invitation à dépasser les apparences.
J'ai aimé (et ce n'est pas systématique) lire les avis de Libération et Télérama sur ce roman.
La bande-annonce du film librement inspiré de ce roman, sorti en 2009: (et que j'aimerais bien voir, tiens)
Fils de vies à démêler, entre amour et déchirures, village italien perdu et destins de cinéma...
"Avril 1962, Dee Moray arrive par bateau dans le minuscule village de Porto Vergogna (le port de la honte), une douzaine de maisons accrochées à flanc de falaises et une petite pension de famille dont vient d'hériter le jeune Pasquale Tursi, bien décidé à en faire le lieu de villégiature préféré des stars américaines. Peu importe que le village ne soit accessible ni par la route ni par le rail, que sa plage fasse la taille d'un mouchoir de poche et que ses projets de terrain de tennis ressemblent à un doux rêve. En fait, personne ne descend jamais dans cet hôtel perdu, l"Adequate View, à part quelques clients égarés. Et chaque année, pendant une quinzaine de jours, un vétéran de la Seconde Guerre mondiale, un américain névrosé et alcoolique aux velléités d'écrivain. Dee Moray a décroché un petit rôle dans la grosse production rassemblant Liz Taylor et Richard Burton, Cléopâtre. Elle était à Rome quand on lui a diagnostiqué un cancer, la production l'a alors envoyé se reposer dans cet hôtel. Bientôt, Richard Burton et un autre type de la production débarquent eux aussi... De nos jours, à Hollywood, une jeune assistante de production, Claire Silver, se débat pour quitter son job auprès du producteur Michael Dean, une momie qui a connu son heure de gloire, et son compagnon du moment, inconditionnel des boîtes de strip-tease. Et puis il y a Shane Weeler, persuadé d'avoir le pitch du siècle qui part pour Hollywood tenter de vendre son idée, Pat, le chanteur-compositeur complètement paumé... Tous ces êtres ont des rêves auxquels ils se cramponnent, et bien qu'ils viennent d'horizons différents, leurs destins vont se croiser, même si certains l'ignorent encore..."
C'est un pavé plein d'émotions et de beauté qui se cache derrière cette couverture méditerranéenne. Les différentes époques et les personnages qui se croisent obligent le lecteur à une certaine concentration, mais il sera aidé par des dates et différentes graphies, puis surtout récompensé par le sentiment d'avoir suivi intensément cette passionnante saga de destins si fragiles. Entre l'Italie pittoresque des années 60 et son cinéma flamboyant, et le tout Hollywood contemporain aux ambitions désabusées guidées uniquement par le profit, le temps s'efface par la magie des souvenirs. Quand les personnages du présent partent à la recherche du passé, c'est une véritable introspection pour chacun, imparfait à sa manière. Une expédition vers la vérité de leurs propres vies: "quatre voyageurs improbables réunis de force à bord d'un véhicule propulsé grâce au carburant gazeux des vies brûlées". Entre les rêves, la grande Histoire et sa guerre, la culpabilité et les secrets, les humbles pêcheurs d'un village perdu comme les grandes stars, tous sont aux prises avec les détours sombres ou lumineux de la vie.
J'ai beaucoup aimé l'ultime chapitre qui nous renseigne sur ce qu'est devenu chaque personnage croisé, donnant au lecteur l'impression d'avoir achevé sa propre expédition dans ce roman, d'avoir trouvé sa place et de pouvoir garder en mémoire les vies, drames et surprises de tous.
Merci à Olivier, mon libraire de la Ruche aux Livres, qui m'a fourni cette jolie histoire en avant-première. ;)
Une jolie interview (en anglais) de l'auteur par Goodreads au sujet de son roman: